JIFF, plus de vertus que de vices

Matthieu Jalibert (UBB, à droite), un tout jeune JIFF à la poursuite d'un Sud-Africain, James Hall (Oyonnax)
Photo ROMAIN LAFABREGUE AFP
Vous avez peut-être découvert en ce début de saison le deuxième ligne toulonnais Swan Rebbadj, le petit ailier palois Bastien Pourailly, le demi de mêlée lyonnais Baptiste Couilloud, le centre rochelais Elliot Roudil. Ou vous avez eu la confirmation des qualités d’Anthony Belleau, l’ouvreur toulonnais, de Thomas Ramos, l’arrière toulousain. Tous ont moins de 23 ans.
Derrière, cette émergence de jeunes talents "made in France", se trouve sans doute
un acronyme qui divise une partie du Top 14 : "JIFF" pour "Joueurs issus des filières de formation".
Quèsaco? Il s’agit d’un label qu’on accorde à un joueur qui a passé au moins trois saisons dans le centre de formation agrée d’un club professionnel entre ses 16 et ses 21 ans, ou qui a été licencié pendant au moins cinq saisons par la FFR.
A quoi cela sert-il? Au départ, c’est une création de la Ligue nationale pour favoriser les joueurs susceptibles d’être sélectionnés en équipe de France -ou limiter le nombre d’étrangers- sans contrevenir à la législation européenne sur le droit du travail. Un dispositif qui, devant le manque d’enthousiasme de certains clubs, s’est renforcé au fil du temps pour devenir vraiment contraignant.
Cette saison, les clubs doivent aligner une moyenne de 14 joueurs JIFF par feuille de match (NDLR : 12 s’ils sont promus). Ceux qui n’y parviendront pas écoperont de 2 à 10 points de pénalité au classement au coup d’envoi de la saison prochaine. D’où l’empressement des entraîneurs à aligner un maximum de "JIFF" sur certains matches pour gonfler leur moyenne.

Moyenne de JIFF alignés dans chaque équipe après six journées de Top 14
Pourquoi ça fâche? Parce que cela a provoqué une inflation des salaires sur les talents français que les clubs se disputent. "Un joueur que je payais 8 000 euros en vaut aujourd’hui 20 000 et pourtant, c’est le même", proteste Mourad Boudjellal, le président de Toulon qui avance aussi des arguments moraux, en pointant du doigt sans les nommer, les clubs qui vont recruter de jeunes joueurs aux Fidji (cf Clermont) pour les placer dans leur centre de formation.
"Grâce aux JIFF, on a inventé la traite des enfants", ironise t-il. "Bientôt on va aller aux Fidji, réserver des joueurs dans les couilles des papas."
"Stop, stop", lui répond Laurent Marti, partisan de la règle. "On veut nous faire croire que si l’on n’avait pas légiféré, les entraîneurs et les présidents auraient spontanément aligné des joueurs français. Il faut arrêter le ridicule. Reprenons les statistiques."
Il n’y avait par exemple que 3 joueurs français titulaires dans l’équipe de Toulon qui a remporté la finale du Top 14 contre Castres en 2014 (Chioccci, Tillous-Borde, Bastareaud). Mais depuis le début de la saison le RCT fait partie des clubs les plus vertueux avec 16 JIFF de moyenne sur ses feuilles de match.
Arnaud David
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